the prodigal son
malcolm whitly
“ Grown ups are complicated creatures, full of quirks and secrets . ”
Il était tard, et la maison était plongée dans le noir complet. Seul le bruit des touches de la machine à écrire de Papa résonnait, comblait le vide et le rassurait alors qu'il était allongé dans son lit bien trop grand et trop froid. Malcolm, qui n'arrivait pas à dormir, vint à pousser un soupir, se retournant encore une fois dans ses draps. Il faisait froid, dans la maison. Bien vite, les cris de sa petite sœur virent remplacer le silence pesant. Il pouvait entendre les pas précipités de Maman, qui accourait pour s'occuper de la fillette. Ainsley était encore petite, il était normal pour elle de demander Maman lorsqu'elle avait un cauchemar ... et puis, Papa l'avait dit; Maman était assez débordée comme ça avec une fillette de trois ans sur les bras, ainsi qu'un mari en manque de travail et un garçonnet de sept ans, il ne pouvait pas juste se lever et aller se plaindre qu'il ne pouvait pas trouver le sommeil.
Malcolm se retourna encore, serrant ses draps frais contre son visage, respirant l'odeur de la lessive fleurie. Plus le temps passait plus il trouvait que c'était impossible de s'endormir. Tant pis. Il avait besoin de Maman. Ou de Papa, mais ce dernier n'aimait pas être dérangé lorsqu'il travaillait... Mais il avait besoin de quelqu'un pour le rassurer, pour lui raconter une histoire... quoique ce soit. Alors, sans plus attendre, le garçon sortit de son lit, glissa les pieds dans ses chaussons et attrapa Pinpin, son lapin en peluche à qui il manquait quelques poils. Il traversa le couloir, évitant de faire du bruit, au risque qu'on le retrouve hors de son lit à une telle heure. Il poussa la porte du bureau où Papa rédigeait l'un de ses rapports médicaux, et, à peine avait-il appelé Martin, que ce dernier ouvrait ses bras pour qu'il puisse le rejoindre. Il était l'heure d'apprendre un peu plus l'anatomie humaine.
Perché sur les genoux du patriarche, le gamin observa les dessins anatomiques qui se trouvaient devant lui. Papa avait un talent avec le dessin. Il aimait beaucoup leur leçons du soir, où il apprenait tout ce que son aîné savait. Il savait déjà nommer la plupart des organes et des os du corps humain, et Papa disait qu'ils seraient bientôt capable d'apprendre le nom des parties plus complexes. Il écoutait avec attention, suivant le bout de granite du crayon à papier qui glissait sur la feuille, suivant les traits soigneusement dessinés. Ce soir, Papa travaillait sur le cœur humain et ses ... artères, était-ce bien ce mot ... ? Les termes scientifiques étaient compliqués, mais il aimait ça. Il aimait passer du temps avec lui. Il voulait apprendre, voulait tout savoir, comme Papa. Il voulait savoir comment guérir les gens, il voulait être capable de sauver autant de vies que son héro.
« Allez. On recommence. Ici, c'est l'artère pulmonaire droite, et ici, tu as la gauche ... et ici, tu as — Malcolm, tu m'écoutes ... ? »
Épuisé par leur promenade de l'après-midi et le manque de sommeil, voilà que le gamins s'était assoupi contre l'épaule de son père. Les lèvres de Martin s'étirèrent en un tendre sourire. Il jeta un coup d’œil à sa montre et décida qu'il était grand temps pour lui, et surtout pour le petit d'aller au lit. Une fois Malcolm déposé au creux de ses draps, Pinpin calé contre sa joue et l’édredon remonté jusqu'à son menton, Martin se pencha, déposa un baiser sur son front et quitta la chambre.
Trois ans plus tard, les leçons nocturnes de Malcolm s'étaient approfondies et il avait démontré un remarquable intérêt pour le cerveau humain, qu'il trouvait fascinant. Bien qu'il eût demandé à son père d'en savoir plus sur l'ensemble du corps humain, ce dernier s'était soudainement montré particulièrement enjoué à l'idée d'éduquer son fils au monde médical, venant même à faire allusion à l'emmener à l'hôpital avec lui, un jour. Bien évidement, Maman avait refusé. 'Malcolm était encore trop jeune pour voir de telles horreurs, Martin.' avait-elle dit. Papa avait répondu qu'il trouverait un autre moyen pour apprendre la médecine générale à leur fils, et qu'elle ne pourrait rien y faire. Ceci était LEUR moment entre garçons, tout comme leurs weekends de camping. Ils partaient généralement le vendredi soir, et ne revenaient que le dimanche, dans l'après-midi. Mais, à chaque fois qu'ils rentraient, Malcolm avait interdiction de parler de quoique ce soit à Maman, ou même à Ainsley. Elles ne devaient pas savoir le secret de Papa. Personne ne devait savoir.
Mais ce secret était trop pesant pour un garçon d'à peine onze ans. Et, sa vision des choses, sa vision sur le célèbre chirurgien avait changé. Papa n'était plus son héro. Il en avait peur. Il avait peur de ce qu'il se trouvait dans son bureau, au sous-sol de la maison. Il avait peur de ce qu'il devait garder secret. Il avait peur de ce qu'il était en train de devenir. Il avait peur de ce qui se trouvait dans la malle, au sous-sol. Papa lui avait interdit d'y retourner, de le retrouver le soir, aussi. Il avait arrêté de lui donner des leçons sur l'anatomie du jour au lendemain. Malcolm ne savait pas pourquoi, mais il savait que ce que son père faisait était mal. Il savait qu'il devait agir.
La sonnerie du téléphone retentit une fois, deux fois, trois fois. Puis il entendit une voix féminine à l'autre bout du combiné.
« Mon père est dangereux . . . il fait du mal aux gens. » avait-il simplement dit avant d'indiquer l'adresse de la maison, puis de raccrocher.
Le soir même, Martin Whitly était arrêté pour suspicion de meurtre. Vingt-trois, pour être exact. Malcolm, sans le savoir, venait de sauver la vie du policier qui était entré dans la maison, mais aussi celle de sa mère, celle de sa soeur, et la sienne.
“ Childhood should be carefree, playing in the sun, not living a nightmare in the darkness of the soul . ”
